La base du milieu de terrain des Gunners : le double pivot


Depuis quelques années maintenant, Arsenal évolue essentiellement dans un système en 4-2-3-1. L’organisation évolue parfois, avec un système plus axé sur le 4-3-3. Cependant, ce n’est que ponctuellement par exemple sur des phases de transitions.  Globalement, les départs ou les mutations à d’autres postes des différents milieux défensifs ont obligé Arsène Wenger à repenser son système.

La ligne de deux joueurs du milieu de terrain est souvent caractérisée de « double-pivot ». Depuis l’arrivée de Mikel Arteta en 2011, un certain nombre de joueurs y ont évolué. Malgré tout, à terme, on constate qu’une base s’installe : Arteta et Song il y a deux ans, Arteta et Ramsey la saison passée, par exemple.

Cette année la situation s’avère plus complexe. Paradoxalement, les Gunners souffrent d’un « trop-large-nombre-de-choix » : il y a beaucoup plus de profondeur d’effectif au milieu de terrain et particulièrement à ce poste.

Je vous propose d’analyser les tenants et les aboutissants de ce système en commençant par rappeler les mécanismes du double pivot. Pour rendre l’analyse la plus simple, claire et exhaustive possible, nous prendrons des exemples plus « concrets » tirés de situations réelles pour illustrer l’aspect explicatif pur.

I) Le fonctionnement théorique du double pivot : phases offensives et phases défensives : concrètement, à Arsenal, quel procédé reprend-il ?

classique ball possession

Une assurance défensive à mettre en place

Ce dispositif n’est pas seulement une force quand Arsenal à la balle, il est aussi et surtout un atout quand Arsenal n’a pas la balle. Quand l’équipe passe en phase de reconquête du ballon.

De manière très simple, deux joueurs sont – sur le papier – placés côte à côte. L’un des deux à un rôle à vocation plus défensive que l’autre. On assimile souvent le rôle de ce dernier à un milieu défensif, or, c’est faux (c’est cependant le cas lors d’un passage en 4-3-3 avec le recul de Flamini). Un milieu défensif devrait, si l’on schématise un chouia, se contenter de rester devant la ligne du back-four et casser les attaques. Sa participation offensive ne serait qu’éphémère. Prenons par exemple le cas de l’association Arteta et Ramsey. C’est l’association la plus commune la saison passée. Arteta tenait le rôle du « milieu le plus défensif » mais cette fonction n’est certainement pas celle d’un milieu défensif pur et dur. Il dispose de beaucoup plus de libertés ici.

Un joueur est donc plus reculé que l’autre. Il doit rester en retrait pour protéger le back-four en remplissant aussi les tâches de récupérer et ratisser la zone. Il profite du travail sur le porteur du ballon l’autre joueur du double pivot. Ce dernier presse et pousse l’adversaire à la faute.

Les joueurs qui ont rempli cette fonction ont bien souvent d’excellentes statistiques en matière d’interceptions et de tacles. Il profite d’un bon positionnement pour couper les passes ou récupérer le ballon dans les pieds de leur adversaire mis sous pression.

Défensivement, l’avantage de cette combinaison est évidemment de solidifier le milieu de terrain et de le prévenir d’éventuel contre-attaques. Il est beaucoup plus facile d’annihiler une passe dangereuse de cette manière. La défense dispose d’une meilleure protection avec devant elle deux joueurs pouvant venir en aide.

situation ailier

Finalement, il y a aussi la possibilité de renforcer les ailes. Arsenal rencontre des difficultés concernant le rendement défensif de ses ailiers notamment due aux défaillances dans le pressing et le repli. Injecter deux joueurs plus ou moins en retrait permet à l’un d’eux de venir bloquer la connexion entre l’aile et l’axe du terrain et de venir assurer une couverture à l’arrière latéral si ce dernier est trop « laxiste » défensivement. C’est un scénario qui revient très régulièrement cette saison.

A noter qu’on retrouve de temps à autres un changement dans la disposition tactique : la ligne de deux recule et on se retrouve dans une situation de 4-2-1-3 (ou 4-2-1-2-1, c’est selon). Sur les phases défensives c’est régulier : pour couper les combinaisons axial, par exemple. Deux joueurs bas et un autre en position de #8 (Ramsey, par exemple). Même situation avec cette fois-ci un passage en 4-3-3 offensif.

situation 4-2-1-2

Transitions et projections vers l’avant

Lorsque le ballon est récupéré, il s’agit de se projeter rapidement devant. A Arsenal par exemple, 60% des passes des joueurs tenant ce rôle vont de l’avant. Le double pivot nécessite des joueurs qui ont une bonne qualité de passe : la relance doit être soignée.

Le double pivot doit assurer la transition entre les différentes phases défensives et offensives. D’où la palette de qualités requises dont nous avons déjà parlé : une bonne qualité de tacle pour récupérer le ballon, de passe pour la relance, un positionnement intelligent et réfléchi pour les interceptions mais ce qui prédomine c’est une discipline à acquérir et à maintenir en tout type de situation.

pressing situation

Le duo sert de lien, de fil conducteur au jeu de l’équipe. Généralement un des deux milieux reste en retrait, plus défensif que l’autre. Le deuxième joue en quelque sorte le rôle de « piston » qui selon les circonstances s’avance ou recule sur le terrain. C’est ce dernier qui par exemple, monte au pressing.

Le positionnement des deux joueurs doit toujours permettre au porteur de balle d’avoir une solution « fiable ».

décalage défense situation

C’est la même situation quand le ballon part de l’arrière, des défenseurs centraux par exemple. Un joueur se recule et fait l’appel au joueur concerné, ainsi, la première vague adverse de pressing (l’attaquant de pointe, un milieu offensif, un ailier bref, le secteur offensif) est attiré et suit le joueur qui décroche. Cela permet de créer des espaces, voire un décalage pour aller rapidement dans une phase offensive.

Offensivement le fait d’aligner ce type de dualité « débride » un des deux joueurs. Il est beaucoup plus facilement possible pour l’un d’eux de se projeter vers l’avant s’il en a l’occasion et si cela est nécessaire. Derrière lui, il sait pertinemment qu’un autre joueur le couvre et n’a pas besoin d’autant se soucier du travail défensif que s’il était seul.

Autre spécificité de cette organisation : qu’importe l’association, il y a toujours un des deux joueurs qui joue tel un « meneur de jeu reculé ». D’une position décrochée il assure la première passe et impose son rythme en alternant souvent entre jeu long et court. Arteta est quasiment toujours celui qui propose ce genre de disposition, quand il est disponible et aligné.

Pour conclure, le double pivot est un élément vital au sein du dispositif tactique d’Arsenal. Il témoigne d’une grande justesse, et se doit de garder cette finesse d’exécution. Mais cela requiert des joueurs qu’il soit tout le temps à leur meilleur niveau, car la méforme d’un joueur peut impacter sur l’équipe entière (des problèmes dans le positionnement ou la relance entre autres).

II) Réalisation et exemples concrets dans des situations réelles

Arsenal a plusieurs associations de double-pivot possible : Arteta/Ramsey, Ramsey/Flamini, Arteta/Flamini voire même Wilshere (et Diaby). La paire Arteta/Flamini est la plus défensive ou solide de toutes.

vlcsnap-2013-10-10-11h29m51s20

Les deux joueurs restent relativement proches, quasiment sur la même ligne. Ils sont à la fois à l’origine de la construction mais également utilisés comme point d’appui. Ici, ils orientent le jeu et cherchent le décalage. En l’occurrence, Arteta joue le rôle du « meneur de jeu reculé ».

vlcsnap-2013-10-10-11h41m32s132

Voilà une situation classique de pressing pour Arsenal : c’est une organisation en 4-4-2 qui revient souvent sur les phases défensives. Le double-pivot tente de bloquer la connexion avec l’axe de Naples en particulier Hamsik qui a décroché.

vlcsnap-2013-10-10-11h39m42s51

C’est maintenant de l’arrière que le ballon vient. Rien de bien exceptionnel sur cette capture mais il est intéressant de noter que les deux joueurs sont tous les deux disponibles pour recevoir le ballon : ils bougent beaucoup et essayent constamment de se démarquer.

vlcsnap-2013-10-10-11h43m09s66

Autrement, quand l’adversaire muselle bien les deux joueurs, l’un d’entre eux se « sacrifie » en quelque sorte pour attirer vers lui des milieux de terrain. Dans le cas présent, Flamini se décale et va non seulement attirer des joueurs adverses pour qu’Arteta puisse se démarquer mais il va aussi et surtout profiter du déplacement de l’espagnol pour le resservir directement. En 2 passes, Arsenal va gagner plus de 30m de terrain et se retrouver dans une position dangereuse.

vlcsnap-2013-10-10-17h02m21s82

Cette fois, on se retrouve avec Ramsey aux côtés de Flamini. Comme très souvent, c’est le français qui reste bas laissant Ramsey monter pour aller au pressing. Cette saison Ramsey a prouvé qu’il avait toutes les qualités pour tenir ce rôle, et se montre aussi solide dans l’implication que dans l’efficacité.

vlcsnap-2013-10-10-17h04m15s168

Mais il n’y pas de code « universel », en témoigne l’image ci-dessus. Flamini est monté au pressing alors que Ramsey est en retrait. Plus souvent, Ramsey est déjà en position plus avancée par rapport à Flamini, ce qui rend les choses plus facile (et évide de désorganiser l’équipe). De plus, Flamini est vraiment le type de joueur qu’on peut assimiler à un milieu défensif, tant au niveau du positionnement que dans ses interventions (celles qui ne se terminent pas par un carton jaune). L’agressivité de Ramsey dans le pressing paie souvent.

vlcsnap-2013-10-10-17h14m43s94

Mais si dans les phases défensives Ramsey se retrouve en général en position de « presseur », sur les phases de possession le gallois adore redescendre pour récupérer le ballon. Cela lui permet de faire ce qu’Arteta fait régulièrement : organiser le jeu de l’arrière, proposer la première passe, sentir le jeu et ses espaces. Dans tous ces domaines Ramsey a énormément progressé. Néanmoins, Flamini vient toujours en appui pour le soutenir.

vlcsnap-2013-10-10-16h59m13s253

Mertesacker sous pression, c’est Flamini qui décroche pour apporter du soutien et une solution tangible à l’allemand. On ne le voit pas sur l’image mais Ramsey est un petit peu plus haut, de manière à pouvoir être le prochain point relais dans la construction.

vlcsnap-2013-10-10-17h16m44s14

A l’image du duo que forment Arteta et Flamini, celui composé de Ramsey et Flamini fonctionne de la même manière au début de la construction. Un joueur reculé et un piston. Les rôles peuvent s’inverser mais c’est aussi les tâches qui s’échangent. Basiquement le joueur pense « je passe et je me replace » pendant que son compère propose plus haut une solution pour quiconque à la balle.

Si l’on compare les zones d’action de chaque joueur, le résultat est évidemment connu d’avance : Flamini est beaucoup plus bas que les autres, bien ancré à son rôle de milieu défensif mais légèrement plus libre qu’un « 6 » classique, Arteta entre les deux et Ramsey est le joueur qui se retrouve le plus souvent dans le dernier tiers du terrain.

Prenons par exemple le cas de la rencontre contre Stoke City, où Flamini joue aux côtés de Ramsey :

Flamini
Flamini
Ramsey
Ramsey

Néanmoins, la différence est moins nette entre Arteta et Flamini. Mais si l’on reprend ce que l’on a dit auparavant, c’est logique puisque les deux font souvent basculer l’équipe dans un dispositif digne d’un 4-2-1-2-1. Illustration à suivre :

Arteta
Arteta
Flamini
Flamini

Le système en double pivot nécessite une concentration parfaite de chacun des joueurs pour éviter de remettre en cause le bon fonctionnement de l’équipe, toutefois il est également obligatoire d’avoir les joueurs avec les qualités requises pour que cela fonctionne bien. Exemple : Wilshere ou Rosicky ne sont pas les meilleurs candidats. Leur profil trop offensif fait défaut à la rigueur qu’il est primordial d’avoir, notamment dans le placement et les duels.

Arsenal va devoir faire avec ce qu’on appelle des problèmes de riches. Surtout si la situation se stabilise un jour pour Diaby. Mais présentement, les Gunners ont trois joueurs largement capables de prétendre à une place de titulaire : Ramsey, Arteta et Flamini. Wenger va devoir faire des choix avec les conséquences qui existent. Qui aligner ? Contre quel(s) adversaire(s) ? Il y a notamment la question du positionnement de Ramsey qui est nettement moins efficace en tant que numéro 10 plutôt que plus reculé, en joueur de type numéro 8.

Le duo Arteta/Flamini dégage une encourageante sérénité défensive. Mais justement, est-ce que ce duo ne serait pas « trop » défensif ? Si la formule a fonctionné à merveille contre Naples, elle a été beaucoup moins probante contre West Bromwich. Arsenal manque parfois d’impact dans les trente derniers mètres et associer deux joueurs « en retrait » ne crée pas forcément l’effet recherché. C’est la qualité du jeu d’Arsenal qui en souffre, et la fluidité qu’on lui connait. C’est une manœuvre peut être un petit peu « frileuse » surtout si l’on rencontre une équipe intrinsèquement inférieure.

Malgré un excellent début de saison, Ramsey n’est pas toujours exempt de tout reproche. Le gallois a tendance à prendre plus de libertés que son rôle ne lui autorise (sans doute poussé par son incroyable réussite du moment). Parfois cela est payant puisque débouche sur une occasion de but mais ce n’est pas toujours le cas. En réalité, le problème vient du fait que Ramsey n’est pas toujours placé correctement, souvent trop haut sur le terrain. Si l’on veut être dans la meilleure posture possible pour « casser » les attaques et intercepter les passes, Arsenal a besoin que sa ligne de deux soit parfaitement homogène.

Arsenal réalise un excellent début de saison et il serait idiot de ne pas insister sur le rôle du double-pivot dans cette bonne forme. Les joueurs s’acclimatent bien dans leur rôle et toute l’équipe bénéficie du bon équilibre créé. Les statistiques des joueurs sont flatteuses : Flamini et Arteta réussissent 94% de leurs passes en moyenne, alors que Ramsey prenant souvent plus de risques en est à 86%. Ce dernier qui est également le joueur de Premier League qui tacle le plus. Arsenal dispose d’une bonne carte de joueurs pour accomplir ses objectifs au milieu ; ils sont techniquement doués, intelligents avec et sans la balle et malgré quelques lacunes chez chacun remplissent allègrement ce qu’on attend d’eux à chaque rencontre. Nous ne pouvons qu’espérer que la situation continue dans ce sens et ainsi mener Arsenal aux sommets que tous les fans attendent depuis beaucoup d’années maintenant.

Je remercie tout particulièrement Squawka, Sky Sports, Who Scored et la Premier League pour le contenu illustré de cet article. 

2 commentaires sur “La base du milieu de terrain des Gunners : le double pivot

Ajouter un commentaire

  1. Bon article!
    Bien illustré tout le « problème » Ramsey. Un 8 qui semble être taillé pour jouer 10 – du moins le croit -, un joueur décisif apparemment (lol MDR Ramsey 9tirs 9 buts TCC) mais, effectivement déstabilisant pour le collectif (trop de risques à la passe, des tacles qui passent parce que le physique est là).
    On va voir comment Wenger gère son joueur, et comment le joueur va se gérer lui-même. Je serai pas étonné qu’il disparaisse un peu du XI (pas du XIV) autour du Boxing Day.
    Faudrait voir contre qui typiquement Wenger a choisi la doublette Flamini-Arteta, et contre qui celle avec Ramsey-Flamini, pour se rendre compte si c’est situationnel. Aussi voir si ça dépend des joueurs plus haut sur le terrain. C’aurait été pertinent je pense..

  2. Cheers.

    Le truc c’est que les associations se sont faites un petit peu par défaut, à part contre WBA.
    Et c’est tout simplement parce qu’Arteta a été longuement blessé et donc indisponible.
    Avant ça c’était – depuis l’arrivée de Flamini- l’association Ramsey/Flam’

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑