Mon conseil à l’ami Aloysius


Deux matchs, c’est tout ce qu’une rumeur enflante octroie à Aloysius Paulus Maria van Gaal pour redresser la barre à Manchester United. Un temps qui parait bien limité comparé à l’année et demi passée aux commandes des Red Devils par celui qui se fait heureusement appelé Louis van Gaal. Sous ses airs austères, celui qu’on préjuge souvent comme un tyran de vestiaire, un militaire enclin à interchanger ses joueurs de positions dans un système ultra-rigide, tel un cuisiner fantaisiste qui s’estime au-dessus des codes de la gastronomie classique, a montré à plusieurs reprises qu’il était avant tout un passionné de football galvanisé par l’institution qui l’abrite. Rappelons-nous de son speech éméché lors du Manchester United’s Player of the Year Award, témoin de la flamme ardente qui brûle en son sein de connaisseur du football. Et le respect qu’il y avait alors déféré à Wayne Rooney. Un respect si grand qu’il en devient sans doute nuisible, si le passé de footballer devient la seule justification à une place attitré au sein d’un onze d’une équipe de football devant, à chaque rencontre, être la plus performante possible.

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« Ce que je veux devant moi? Le but adverse. »

Ce pourrait bien être l’histoire d’un pied de nez à un préjugé. J’aime les préjugés, un amour qui se conjugue au like, un I like un peu malsain, jouissant de ne pas tomber dedans, car, contrairement, à la potion magique de Panoramix, tombé dans leur marmite ne rend pas plus fort ; à moins qu’être dans le rang ne soit une force. La grande image d’Épinal collant à la peau – flottant au vent – du pélican le moins oisif de la planète Terre est son autoritarisme froid, sa faculté à se faire honnir de ses joueurs pour l’être humain qu’il sait être en contexte professionnel. Pourtant, depuis qu’il est arrivé en Angleterre, Louis van Gaal s’évertue presque à démontrer le contraire : conférences de presse empathiques, moments chaleureux, franc-parler quasi-surhumain pour la profession, Louis van Gaal semble être, soit changé, soit victime d’un quiproquo initial, d’une erreur de jugement, dont je ne chercherai pas les causes plus ou moins discernables dans cet exercice de conseiller anazelytique. Non, Louis van Gaal n’est définitivement pas un monstre égocentrique, au contraire, c’est un être passionnel et qui tire de cette énergie originellement incontrôlée, par un retournement contradictoire interne, ce flux rationnel qui comme fulmine de ses oreilles, qui bordent un front en héliport. Là encore, une illustration s’impose : acerbe l’an dernier face aux commentaires footballo-moralistes de Sam Allardyce, défait avec West Ham, plus rapide que son ombre et, sans lâcher la moindre gouttelette de sueur, il dégaine, un dossier agrafé sur les plans tactiques de son Manchester United. La fiéreté d’aimer son travail, de l’aimer d’amour love, canalisé tant bien que mal par sa raison : Aloysius dégueule de contradictions internes, voilà qui est – sans condescendance aucune – des plus touchants. Cette émotion est celle qui m’a donné envie de lui consacrer une lettre ouverte, y exprimant mes suggestions les plus interdites, ce qui reste pour moi bien plus aisé à rédiger, vous allez lire, que pour lui, à même penser.

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Scène d’affection entre Aloysius et Christopher

On va pas tortiller autour du pot : mon conseil à Aloysius est un conseil de l’urgence ; il ne s’agit donc pas de remettre en question les grandes orientations tactiques prises depuis sa prise de fonction, que ni je ne caricaturerais, ni ne pourrais me passer de critiquer dans le contexte de son effectif et du football moderne dans sa globalité – mais ça n’est pas cette hauteur critique que j’ai choisie. Ainsi, opter tout à coup pour un jeu plus direct, moins dominant dans la possession du ballon, serait un coup de poker au sens péjoratif du terme : ce serait pour partie remettre son sort entre les mains du hasard, incarné en plus dans ce cas par Jack Butland et Thibaut Courtois, deux des gardiens les plus efficaces du championnat en situation de duel. Louis van Gaal a une meilleure main que ça, qu’il abatte ces meilleures cartes. Aïe, je tortille, là. Le conseil, le conseil… Wayne Rooney ! Avant-centre. C’est non, stop. Wayne Rooney ne doit plus jouer à ce poste. Wayne Rooney n’est plus un avant-centre de qualité première. Et il n’est pas la meilleure option disponible dans l’effectif des Red Devils à ce poste. Roi-neey de pique est devenu Way-let de cœur. Allez, étayons.

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« À carreaux, madame ! »

Wayne Rooney n’est pas en déclin, il ne s’agit pas d’être alarmiste. Par contre, il serait hypocrite de ne pas ajouter à la transformation (l’âge de Wazza avançant) de son jeu, une détérioration notable de certaines des caractéristiques du diabolique attaquant ; celles-ci impliquent une remise en question de sa fonction d’attaquant. Wayne Rooney a-t-il encore vocation à évoluer si haut sur le terrain, au regard de ses capacités actuelles ? En outre, si Rooney ne court plus aussi vite au meilleur de ses sprints, ne démarre plus aussi fort en partant à l’arrêt, si ses enchaînements dans la surface ne sont plus si violemment cliniques malgré le peu d’espace-temps dont il dispose, il a développé, amélioré certaines autres de ses compétences, qui justifieraient d’autant plus son repositionnement plus bas sur le terrain: vision du jeu, déplacement défensif, maturité générale (perfectible, still) et surtout jeu de passes – longues ou courtes, quelque soit la surface de pied, et même les plus inventives, ailes de pigeon ou autres, il a étalé malgré peu d’occasions d’assist l’ampleur de sa palette. Si la vitesse d’exécution n’est plus là, les gestuelles puent toujours autant la qualité la plus absolue. Par ailleurs, Wayne Rooney semble jouer avec scepticisme sur son propre positionnement, comme doutant qu’il soit son meilleur, d’une façon ou d’une autre ; ce qui ne fait qu’empirer les effets de son effilochement physique. Le football est un sport où les prises de décision doivent être rapides, assurées: celles de Rooney sont teintées de doute, hésitantes, arrachées – quand ses dispositions nouvelles lui laisse encore le temps d’en prendre. C’est d’ailleurs cruellement cocasse de voir son faciès changer lorsqu’il est placé au milieu de terrain, ce qui remonte aux récentes saisons passées, étant donné l’acharnement à le faire jouer attaquant en cette saison 2015-2016 : l’épais trentenaire aux implants semble à la fois conscient d’y être plus à son aise mais aussi hanté par une nostalgie tracassante de ses merveilleuses années passées plus haut sur le terrain. Pourtant, Wayne Rooney va devoir s’y résoudre.

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Napolouis

Attaquant, ça n’est plus pour lui. Combien de fois les déplacements de Rooney ont paru défaillants, non pas dans l’intention, mais dans la réalisation de ceux-ci ? On ne peut plus les dénombrer, tant il n’a plus la capacité physique d’antan. Naguère, Rooney était à la fois le plus endurant et le plus explosif, capable d’en faire trop, taclant et débordant, centrant et scorant, comme un fantasme du footballer moderne, capable de tout et incapable de rien. Sauf de se réinventer, le corps ne suivant plus ; du moins l’est-il pour le moment, incapable de cela. Et c’est là aussi que doit se voir la contribution d’un entraineur. Wenger, quoiqu’on en dise, a su trouver de nouveaux rôles et postes à bien des joueurs, en adéquation entre leurs capacités, les besoins d’une équipe donnée et les dispositions psychologiques de ceux-ci. Notre cher Aloysius, auquel s’adresse ce conseil, aura su le faire par le passé, et j’ai confiance qu’il sache le faire à l’avenir. Exercice d’équilibriste, car chaque joueur n’a pas les mêmes goûts en plus de tous différer par leurs aptitudes, comme on le voit avec Rooney, qui aura bien du mal à faire le deuil de sa carrière d’avant-centre. Sauf que ce que ne réalise peut-être pas encore complétement Rooney, c’est qu’il est au crépuscule de sa carrière de joueur, précisément celle d’attaquant. Se replacer au cœur du jeu, ce serait pour lui renaitre, en faisant fi de toute nostalgie. L’intérêt est total, la prise de risque moindre, par-dessus le marché. Car Aloysius, pendant ce temps, galère avec son double-pivot et est à la recherche d’un joueur rythmeur au milieu de terrain, qui ait les capacités physiques pour jouer chaque semaine ou presque. Un joueur complet et capable de trancher au centre du terrain, par son jeu long mais aussi sa qualité balle au pied, la conservation du ballon face au pressing, une certaine forme de vivacité dont un Rooney, même déclinant physiquement, dispose. Surtout comparé aux alternatives Schweinsteiger et Carrick, qui sont d’autres cas de joueurs en difficultés soit physique (pour l’Anglais) soit culturello-tactico-physique (à propos de quoi j’invite nos lecteurs à rédiger un conseil à l’ami Aloysius en commentaire).

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Pélicance

Alors voici ma suggestion. Ouvre bien grand tes yeux, Aloysius, tu as deux matchs pour mettre ça en place, pour une fois t’as quand même du monde de fit, pas d’excuse sur ce plan-là. Même Phil Jones traîne sa bidoche sur les prés, en ce mois de décembre, franchement, c’est un putain de miracle. Bon. Les 5 de derrière, gardien compris, j’te fais confiance, tant que tu me mets pas Varela et Borthwick-Jackson. Par contre, dans le double-pivot tu m’associes Rooney avec Schneiderlin, puis au-dessus tu mets Herrera en attacking midfielder. Quant à l’attaque ? Idem, c’est toi qui voit. On sait que t’apprécies Mata, son activité avec ou sans ballon en phase offensive, sa capacité à créer presqu’ex nihilo lors des interminables phases de possession des Red Devils, à l’aide de son harpon de pied gauche. Admettons. Avant-centre, je te laisse même le choix entre Fellaini et Martial. Mais soyons honnêtes, tu nous laisses le Belge sur le banc, et tu sais bien que si t’as besoin d’un but de raccroc dans les 10 dernières minutes contre Stoke, tu seras bien content de disposer du salaud le plus chevelu de l’histoire pour t’aider à la tâche, comme face à Bruges ou lors de l’incident avec Big Sam, qui aurait préféré, en terme de chevelu, Marouane à Andy, faut être clair. Idem sur l’autre aile, la gauche, je te donne tout mon crédit. Du moment que la salle des machines est bien huilée, autour du trio Rooney – Herrera – Schneiderlin, Depay ou Lingard auront moins de responsabilités, et donc moins de difficultés, à briller – alors fais ton choix propre. Depuis août, on le remarque de la plus frappante des manières: les ailiers gauches de van Gaal font partie des finishers ; ce qui ferait d’un Martial ailier gauche avec Fellaini avant-centre un coup tactique pas si dégueulasse pour ces 2 matchs à couteaux tirés. Du moment que le milieu de terrain Wayne Rooney ne soit plus amené à devoir évoluer avant-centre sans pouvoir l’assumer ne serait-ce que physiquement, et qu’il puisse remédier aux problèmes fondamentaux d’United autant par son absence aux avant-postes que par sa présence au cœur du jeu. Peut-être que certains de mes confrères auront, alors, enfin la chance de chanter, haut et fort, la louange d’Ander Herrera.

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