Tim Sherwood mérite-t-il la dithyrambe pour son parcours à Villa ?


Scirwodu, voilà d’où provient le nom de famille de Tim, en vieil anglais. À opposer à la forêt junglesque dite d’Hollywood, elle est celle, clairsemée de clairières, que l’on ne laisse pas se développer spontanément, qu’on maitrise par la culture. Et donc exploitée, parfois de façon intensive et totale. Sherwood, c’est aussi le nom d’un faubourg actuel de Nottingham, autrefois ainsi boisé. C’est également en ces lieux qu’est né Robin Hood, selon les légendes écrites sur l’encapuchonné justicier, comme le veut bien dire Hood. Robin des Bois, en France, donnait aux pauvres ce qu’il volait aux riches, dans un soucis, mi-mesrinien, mi-snowdenien, de justice. Revenons à notre cher-Wood, qui sorti du bois, ou plutôt du tunnel plaqué plastique de Wembley, rendait une tenue plus proche de séduire les dernières interprètes féminines principales de Skyfall ou Quantum of Solace que les classes prolétariennes de Birmingham. Les yeux claires et le faciès bluffant, Tim Sherwood semblait tout aussi sûr de son fait au coup d’envoi que nonchalamment dépité au coup de sifflet final. Avec en filigrane cette désinvolture un peu pédante. Tandis que Wenger nous a une nouvelle fois offerts ce visage qui nous narre les tensions qu’il traverse depuis maintenant 19 saisons, comme une coupe à vif d’un vieux chêne, dont chaque strate nous raconte l’âpreté d’une année. Chaque match étant une tempête, ou il faut accepter de plier pour ne pas rompre. Voyons voir si cette analyse superficielle, étymologique voire nominale peut-être trompeuse. Si l’habit ne fait pas toujours le moine, la tonsure n’est pas le propre du pêcheur, alors regardons si Tim Sherwood fût à la hauteur, contre Arsenal, de son nom.

Voilà la question que nous nous poserons ici, qui sera plus l’occasion d’un exercice critique de son approche de la finale de FA Cup que de la globalité de sa prise en charge, depuis la 26ème journée, de l’équipe d’Aston Villa. Ceci dit, nous l’aborderons, et cette analyse d’un massive* game (notons qu’Aston Villa se fait appeler massive club, Sherwood avait aussi des comptes à rendre, comme ses joueurs, vis-à-vis de cette dénomination) sera l’occasion de parallèles avec les clefs du maintien des Villans. Tim, comme Robin, tâcha-t-il de mettre toutes les chances du côté du petit pour dérober au gros le trophée de la Coupe d’Angleterre ?

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De la légende au story-telling

Quel est le pas à franchir pour passer du simple story-telling à la légende ? La différence semble être le sujet sur lequel se pose les mots de l’un et l’autre des exercices de style : dans un cas, le traitement est adapté, l’histoire légendaire portant sur un individu qui a presque contraint ceux qui l’écrivent à l’écrire comme telle car les actions de l’individu légendaire sont réellement d’ordre légendaires. Ainsi, le ou les écrivains de la légende n’ont qu’à rester fidèles aux faits. Bien évidemment, dans les faits, justement, il est très difficile de retrouver des légendes qui soient véritables en tant que le ou les personnages qu’elles mettent en scène ont bel et bien fait ce qu’elles narrent. Robin Hood, lui-même, fut tout autant une légende qu’une victime d’un story-telling, c’est-à-dire d’une manipulation intéressée et distordante de la réalité. Ce qui peut déboucher, bien entendu, sur des incohérences absurdes ; tel notre cher Robin – des champs, puisque c’était un yeoman, c’est-à-dire un membre de l’élite paysanne Anglaise, à en croire la majorité des histoires sur sa personnes – qui, raconté par l’historien britannique Rodney Hilton, en a fait un symbole de la révolte paysanne. Malaise intellectuel flagrant.

Cette déconnexion entre réalité et narration de celle-ci existe toujours, bien que nos héros ne soient plus tous des paysans élitistes qui squattent les bois pour rééquilibrer l’imposition à leur sauce, c’est-à-dire en rendant une justice saupoudrée de flegme et de violence pour la haute, qui est en fait la plus haute qu’eux. Passons. Tim Sherwood, à l’instar de toute personnalité Anglaise du football Anglais, qu’elle soit un joueur, un entraineur, profite d’une hype persistante dans les médias, et même auprès de certains consultants, soucieux de soigner leur côte de popularité. Il ne s’agit pas ici, le plus souvent, de dire que tout ce qu’il fait est bien, mais de trouver la moindre once de dessein de raison pour dire du bien et d’envahir l’espace médiatique avec. Le spécimen-joueur de l’effectif de Villa est le dénommé Jack Grealish. Celui-ci n’a pas l’arc long mais les chaussettes baissées. Le jeune rebelle, comparé à Pirès par les deux journalistes qui entouraient Robert sur BeInSport en avant-match, nous a gratifiés d’ailleurs d’un match imbuvable, lui qui fut parachuté par son entraineur bienfaisant, lui le droitier pour l’instant exclusif, en ailier gauche, tandis qu’Hutton était préféré à Bacuna en tant qu’arrière droit, derrière un autre vrai-faux-ailier (comprendre, selon l’expression inconsacrée, un ailier gaucher exclusif à droite, Charles n’Zogbia cet après-midi-là). Revenons à Tim-Tim, le plus grand de tout les petits héros. Quelle est vraiment l’histoire de Tim Sherwood à Aston Villa ?

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La meilleure légende en commentaire gagnera un sourire de Jores Okore

Son prédécesseur, l’Écossais Paul Lambert, était à la tête de l’équipe première du club depuis plus de deux saisons complètes. Son bilan, famélique sur le plan offensif, semblait aller de mal en pis, le club sombrant pour son dernier match en charge, dans la zone de relégation après une défaite à Hull 2-0, qui permis à l’époque aux Tigers de sortir de la zone de relégation. Le club, en proie à des conflits entre supporters et dirigeants, semblait au bord du gouffre et le changement s’imposa de lui-même, sans autre forme de justification que la peur de descendre. L’équipe de Lambert signait une première moitié de saison catastrophique offensivement parlant, surtout parce qu’il ne pouvait pas compter sur un Benteke longtemps blessé, puis sur le retour, suite à une rupture du tendon d’Achille contractée le 3 Avril 2014. Si il retourna sur les terrains dès début Octobre 2014, il mit quelque temps à retrouver une forme physique complète, en plus de faire totale abstraction d’une blessure qui l’a fait manquer le Brésil. Ce fut six mois sans pratique du football. Évidemment, passés ces 180 jours, il faut un certain temps pour revenir au meilleur de sa forme, et à nouveau faire corps avec son enveloppe. Le Belge, à la fois pivot dans les transitions offensives, par sa capacité à conserver le ballon et remiser le ballon dans des tempos dont devraient s’inspirer son compatriote Romelu Lukaku, était surtout le buteur prolixe de cette équipe les deux dernières saisons, malgré que la précédente fût elle aussi placée sous le signe du bobo majeur. Son retour progressif, notamment physiquement, pour un attaquant ayant pour habitude de se coltiner et de travailler au corps deux défenseurs centraux, correspondra à l’arrivée de Sherwood. Le Belge scora 11 de ses 13 buts cette saison de la 28ème à la 37ème journée, et Aston Villa joua ses deux derniers matchs en roue libre, tandis que la finale de la FA Cup était l’objectif absolu de cette fin de saison 2014-2015. Mané en profita, à l’avant-dernière journée, pour inscrire ce preste triplé, où les défenseurs de Villa nous montrèrent autant de verve et de gnac que les milieux Villans à se jeter sur le second ballon que Walcott catapultera dans les filets de Given pour ouvrir le score dans cette finale remportée sur un violent 4-0 par les Gunners.

Sherwood a, ceci étant dit, une certaine part de responsabilité dans ce redressement. Il aura permis à Benteke de tirer ses coéquipiers vers le haut en donnant un souffle positif et offensif à l’une des pires attaques de la Premier League jusqu’à son arrivée. Son principal coup, qui relança le joueur, autant que Benteke et tout le Massive Club, sera de remplacer épisodiquement le rocambolesque arrière droit Alan Hutton par le Hollandais, plutôt ailier, Leandro Bacuna. Celui-ci délivrera régulièrement de superbes galettes à Benteke, et permis au flanc droit de Villa, à défaut d’être assuré défensivement, de représenter une menace offensive, grâce aux capacités physiques et techniques de l’ex-joueur de Groningue. Capable de centrer avec précision et force à l’arrêt, le choix du très bon tireur de coups de pied arrêtés directs ou indirects symbolise ce que l’on voudrait voir plus souvent de la part des entraineurs : une prise de risque positive, au lieu d’un choix quasi-frigide, malgré la nullité absurde et évidente d’un choix défensif. Alan Hutton, en plus de ne rien apporter offensivement, n’est même pas une assurance derrière. Le destituer au profit de Bacuna est une des raisons pour lesquelles Benteke, de retour au top physiquement, a pu aligner les perles pour maintenir à flots les Villans.

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« Diantre, Christian, dire que t’as sué tout ça pendant que je croupissais sur le banc. »

En résumé, Sherwood a rééquilibré une équipe au jeu stéréotypé, trop axial, en complétant ses ailiers, qui brillent par leur qualité de jeu intérieur, par l’apport de latéraux plus verticaux, au jeu extérieur et qui aiment déborder et centrer. C’est en ce sens que Bacuna aura été un acteur majeur du maintient de Villa en Premier League, et de l’intense remontée au classement des buteurs de Benteke. De fait, si Villa joue toujours de façon passive, la construction des transitions offensives est plus proactive que chez Lambert, où les latéraux n’apportaient pas autant leur pierre à l’édifice, raison pour laquelle l’intéressant Lowton végète tristement derrière Hutton, et maintenant Bacuna, dans la hiérarchie au poste d’arrière droit. Il faut dire que les dits-ailiers n’aident pas trop des mises en place plus courageuse, par leur manque d’implication défensive. Sur le premier but d’Arsenal hier, c’est clairement et Delph et surtout n’Zogbia qui laisse un trou béant entre la défense recroquevillé à 6mètres sur le centre de Monreal. Le late run de Walcott paiera ainsi, tandis que le pauvre Hutton, déjà pas très doué, se retrouve délaissé. Il se jette dans la mauvaise direction pour contrer le finish confiant et spontané au premier poteau de Theo.

Un style clairsemé sur le banc, des ambitions encapuchonnées sur le terrain

Si Tim Sherwood a fait preuve de courage, de générosité et de conviction en mettant dans de meilleures dispositions Benteke en championnat, il ne fit pas preuve d’une telle vertu hier après-midi à Wembley. Hutton est choisi pour occuper le flanc droit, tandis qu’en dessous de l’étoile du sapin de Noël qu’il nous a concoctés sont alignés les deux créateurs que sont censés être Grealish & n’Zogbia. Problème, les latéraux ne montent plus et de toutes façons Grealish a la tête dans les chaussettes, en plus comme elles sont baissées, ça l’oblige à baisser le regarde encore plus bas. Manque plus que la capuche. Toujours en –uche, il y a bien sur coqueluche et surtout autruche. Les Villans mettent la tête sous leur 25mètres, même après l’ouverture du score d’Arsenal, qui arrive curieusement grâce à Walcott, dont la titularisation semble discutable face à un bloc aussi bas et compact. Peu participatif dans le jeu, Theodore est, il est vrai, un danger constant, qui pèse sur la tête de l’arbitre assistant ; pris hors-jeu à deux reprises en première mi-temps, l’Anglais nous gratifiera aussi de merveilles de contrôles moisis et de choix douteux, mais son triplé en PL et son ouverture du score rendra amnésique une bonne partie des supporters d’Arsenal. La vérité, c’est que Giroud était épuisé, et que l’Anglais semble euphorique de retrouver les terrains, ce qui n’est pas négligeable à l’heure d’aller cueillir un titre pour conclure une saison au terme de laquelle Arsenal se qualifie directement pour la Ligue des Champions ; ce qui n’est pas arrivé depuis, tout de même, 2011-12. Le Français, auteur d’une saison de très bonne facture, manqua par les facilités qu’il apporte à la construction du jeu pour les Gunners, et pour sa bien plus grande qualité technique. Défensivement, il apporte également bien plus, que ça soit sur coups de pied arrêtés ou au pressing. Heureusement pour Walcott, Villa n’a même pas montré un engagement égal à Arsenal. Les petits ont choisi d’accepter leur rang, leur leader leur coupant les vivres ; c’est une sorte de quarantaine elle-même, en centres et ballons exploitables face aux buts pour Benteke, que la disparition du XI de Bacuna

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« Leandro, je compte sur toi pour mettre tes couilles sur le pré, me déçois pas »

Au milieu, Delph avait beau se démener et Westwood réguler, la frustration et les fautes gratuites laissèrent place aux bonnes intentions, pas mêmes invitées à rentrer sur le terrain. Si Arsenal mit une partie des chances de son côté pour remporter la FA Cup, avec notamment la meilleure prestation de la saison de Francis Coquelin, dont j’ai vivement critiqué l’évaluation générale médiatique ici-même, les Villans se sont faits estropier par leur propre ‘sauveur’ d’entraineur, Tim Sherwood, de leurs uniques chances de dérober le trophée aux Canonniers. Comment voulait-on, alors, qu’ils baissent leurs capuches pour sortir du bois et s’emparer du pré avec la volonté de gagnants qu’ils peuvent être. Tim Sherwood a bel et bien contribué au maintien de Villa, mais il a aussi participé activement à la déroute des siens face aux Gunners hier, par frousse. Ce malgré toute les apparences qu’il a pu mettre en travers de l’analyse. Tim Sherwood n’est ni James Bond, ni Robin Hood, mais simplement Tim Sherwood, un entraîneur – pour l’instant – banal de plus.

*massive est aussi transparent que trompeur : s’il figure la taille d’une chose, c’est aussi une image pour dire que cette chose a de l’importance ; une taille symbolique, en somme.

Crédits photos : Zimbio

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