Heurs et malheurs d’un déséquilibre structurel : le calendrier


L’échec retentissant des différents clubs anglais en Europe a fait émerger plusieurs hypothèses. Pour expliquer le malaise, on a souvent critiqué la Premier League, le niveau des clubs et des joueurs, mis en avant l’échec sportif du modèle anglais et tenter – souvent en vain – de trouver des réponses concrètes.

Si les réponses sont souvent concrètes, leur objectivité reste à déterminer. Ainsi, cet article souhaite mettre en avant un autre aspect souvent mentionné, rarement appuyé ou expliqué. Je ne souhaite pas prétendre détenir la réponse, bien au contraire, il s’agit tout simplement de proposer quelques pistes de réflexion « universelles ».

A travers ces lignes, j’ai souhaité me focaliser sur le calendrier de la Premier League et plus précisément sur le déroulement d’une saison. Pour tenter de contextualiser ces données brutes, j’ai essayé de leur donner du relief en comparant les cinq championnats majeurs d’Europe. L’article s’articulera en trois axes que vous allez découvrir au fil de la lecture.

Un championnat domestique chargé et déséquilibré

D’abord, il est intéressant de noter la durée d’une saison puisque celle-ci varie d’un championnat à un autre. L’Angleterre débute à la mi-août, plus tard que la Ligue 1 mais plus tôt que la Liga ou la Série A, par exemple.

durée champ

On peut penser qu’une ou deux semaines en plus (ou en moins) ne changent pas drastiquement la donne. Pourtant, en fin de saison, quand les matchs se sont accumulés pendant plus de 9 mois, une semaine supplémentaire pèse.

Surtout que la Premier League a la (fameuse ou fâcheuse ?) particularité de ne pas faire de trêve lors de la période des fêtes de fin d’année. C’est le Boxing Day, qui s’étend jusqu’au nouvel an. En effet, entre le 20 décembre et le 1er janvier, 4 journées sont jouées (de la 17 à la 20e). J’ai essayé de voir quel impact cette période avait sur les équipes de tête de la Premier League :

boxing day

Aucune équipe ne fait un sans faute mais certaines s’en sortent bien avec 7 points. Ici, l’hypothèse est la suivante (et elle est plutôt évidente) : si les équipes arrivent à limiter la casse en prenant un maximum de points, l’impact est à analyser sur le plus long-terme par l’accumulation de la fatigue.

L’autre élément qui diffère selon les championnats, c’est le nombre de journées jouées en semaine.

Journées en semaine

Sans surprise, la Premier League domine ce tableau. De ce fait, les équipes enchaînent parfois 3 matchs de championnat, donc d’une seule compétition, en à peine une semaine.

Un conflit entre le calendrier domestique et le calendrier européen ?

L’Angleterre a débuté la saison avec 6 représentants en Europe : 4 en Ligue des Champions (Arsenal, Chelsea, Liverpool, Manchester City) et 2 en Ligue Europa (Everton et Tottenham). Liverpool a par la suite continué sa route en Europa tandis que les 5 autres équipes se sont qualifiées pour la phase suivante.

Le calendrier européen s’applique à tous les pays concernés, il n’y a donc pas de distinction à faire. Toutefois, j’ai souhaité analyser l’impact de ce double-calendrier sur les équipes de Premier League.

défaite apres europe

En moyenne, près d’un tiers des défaites de ces clubs proviennent après une rencontre européenne. Si les résultats en Premier League n’ont pas toujours été flamboyants après ces matchs, ceux en Ligue des Champions ne l’ont pas été non plus. Arsenal et Manchester City ont fini deuxième, Liverpool est passé à la trappe et Chelsea est la seule équipe à avoir remportée son groupe. Tottenham a fini second en Europa League et Everton, seule équipe à jouer cette compétition à fond, a remporté son groupe.

Victoire après europe

Chelsea n’a jamais perdu après un match en Europe, mais est, avec Tottenham, l’équipe qui remporte le moins de matchs. Mis à part Arsenal, aucune équipe n’a remportée plus de 50% de ses matchs.

Il est clair que le problème est double : les résultats ne sont pas (vraiment) positifs dans les deux compétitions.

Le rôle des coupes et leur impact

Le système des coupes domestiques n’est pas le même dans les 5 championnats majeurs. L’Angleterre, tout comme la France, a deux coupes (la FA Cup et la Capital One Cup, équivalent de la Coupe de la Ligue). La particularité de l’Angleterre est le « replay » quand il y a match nul (hors demi-finale) en FA Cup, aussi vétuste qu’historique, il complexifie encore un petit peu plus le calendrier et le cerveau des organisateurs. Il y a donc la nécessité de retrouver une date en dehors des périodes déjà prises – comme les journées en semaine.

Par exemple, Liverpool a été éliminé en demi-finale mais a joué 2 replays ce qui ramène à 7 le total de matchs joués dans cette compétition. A l’inverse, Arsenal en a joué 5 et jouera le 6e en finale. De plus, Liverpool est l’équipe qui a joué le plus de matchs dans les deux compétitions. Ils ont atteint les demi-finales dans chacune pour un total de 12 matchs de coupe. En comparaison, le PSG qui a atteint la finale en Coupe de France et en Coupe de la Ligue, n’a joué que  10 matchs au total.

Dans l’autre compétition, la Capital One Cup, comme c’est le cas en Italie, la demi-finale se joue en aller retour. En Liga il n’y a qu’une coupe mais tous les tours se jouent sur double confrontation.

Autre spécificité similaire à la France, la FA Cup se déroule le weekend (alors qu’en Italie, Espagne ou Allemagne, c’est en semaine). Ainsi, le calendrier est rallongé et la « compression » de matchs lors de la période des fêtes en plus des matchs en semaine compensent l’accumulation des rencontres.

Matchs joués par leader

Venons en maintenant au total de matchs joués par les leaders actuels des cinq championnats. A la fin de la saison, Chelsea aura joué 54 rencontres. Un chiffre somme toute assez normal si d’une part on compare avec les autres championnats mais surtout si Chelsea avait atteint les demi-finales de la Ligue des Champions, par exemple. Or, si l’on détaille le calendrier, Chelsea n’a joué que deux tours en FA Cup, a remporté la Capital One Cup et a été éliminé en huitièmes de finale en Europe.

Si l’on prend comme référence une équipe de « standing » de Premier League, qu’on compare son calendrier avec une équipe similaire de Liga ou de Ligue 1 et qu’on part du principe que cette équipe remporte toutes les compétitions, voici ce que nous obtenons :

Premier League : 38 matchs de championnat, 6 matchs de FA Cup, 6 matchs de Capital One Cup, 13 de Ligue des Champions pour un total de 63 matchs. En Liga 60 matchs et 61 en Ligue 1.

Encore une fois, 2 ou 3 matchs supplémentaires ne changent pas énormément de choses en ce qui concerne les chiffres. Sauf qu’avec l’accumulation des rencontres et surtout avec l’enjeu qui augmente plus la saison s’approche de sa fin, il est difficile de penser que cela n’a pas d’importance.

Voilà qui pour conclure nous donne quelques éléments de réflexion quant à l’organisation du calendrier de la Premier League. On peut en mettre plusieurs en avant :

–          Le système de replay a-t-il vraiment un quelconque intérêt ? Le fait de rejouer un match embête plus qu’il ne plait les différents clubs concernés.

–          La légitimité de cette deuxième coupe vaut-elle réellement la surcharge de matchs ? Un trophée est un trophée, certes, c’est indéniable. Toutefois, les équipes n’y portent globalement que peu d’intérêt.

–          La tradition du Boxing Day mérite-t-elle d’être renouvelée ? L’accumulation des matchs corrélée à la fatigue qui s’amplifie en fin de saison fait-elle de la trêve une idée inconcevable ?

Evidemment, le calendrier n’est qu’un des différents facteurs pour expliquer la grande méforme des clubs anglais en Europe. D’autres explications sont également crédibles et méritent d’être creusées. Au-delà du résultat et de la qualité des équipes, la Premier League a certainement des problèmes structurelles ancrées depuis des années et l’organisation de ses saisons en est certainement un.

@Backothedoc

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